Le 4 septembre 1843, Léopoldine,  fille aînée de Victor Hugo, se noie avec son mari, Charles Vacquerie : elle a 19 ans et lui 26. Le poète demeure inconsolable. Dans les Contemplations, recueil publié en 1856 durant l’exil sur les îles anglo-normandes, Victor Hugo évoque cette tragédie à l’occasion d’un pèlerinage sur la tombe de sa fille. « Demain dès l’aube » est l’un des poèmes les plus célèbres de la littérature française. Il s’agit du poème XIV de « Pauca meae », le quatrième livre du recueil. Le titre latin de la section peut se traduire par « quelques vers pour ma fille ».

Victor Hugo

Mêlant lyrisme, inspiration romantique et mysticisme, ce texte bref se distingue autant par l’émotion qu’il suscite que par la perfection formelle. Comment le poète s’empare-t-il du thème de la mort pour faire de son pèlerinage sur la tombe de Léopoldine une expérience unique, d’une grande puissance humaine et poétique ?

La structure du poème est de ce point de vue remarquable. En effet, si la première strophe évoque une sorte d’impatience liée au rendez-vous, avec un rythme assez vif et des alexandrins marqués par de nombreuses coupes, la strophe 2, composée d’une seule et longue phrase, indique le moment de la méditation et du recueillement. Léopoldine en est absente. Enfin, la dernière strophe renoue avec la dimension biographique par l’évocation de la tombe et l’ancrage géographique, avec la mention de Harfleur.

Léopoldine, sa vie, récit de l’accident.

Née le 28 août 1824 au 90 rue de Vaugirard à Paris, Léopoldine Hugo est le deuxième enfant de Victor Hugo et Adèle Foucher L’aîné Léopold n’a vécu que quelques mois. Son père surnomme sa fille Didine ou Didi.

Léopoldine rencontre Charles Vacquerie (1817-1843), fils d’un armateur du Havre, lors d’une visite de courtoisie que les Hugo font aux Vacquerie dans leur maison de Villequier en 1838.

Léopoldine, qui a 14 ans, et Charles, qui en a 21, s’éprennent l’un de l’autre, mais Victor Hugo, très attaché à sa fille, la trouve trop jeune pour envisager un mariage dès l’année suivante. De plus, plusieurs deuils dans la famille Vacquerie retardent ce désir.

Après avoir patienté cinq ans, Léopoldine épouse Charles Vacquerie le 15 février 1843 en l’église Saint-Paul à Paris, dans la plus stricte intimité.

Léopoldine Hugo

Le 2 septembre suivant le couple arrive à Villequier  Le lundi matin, 4 septembre, vers dix heures, Charles Vacquerie embarque sur la Seine en compagnie de son oncle, Pierre Vacquerie (1781-1843), ancien marin, et du fils de celui-ci, Arthur (1832-1843), âgé de onze ans. Ils comptent se rendre chez Me Bazire, le notaire de Caudebec, à une demi-lieue de Villequier, où ils avaient affaire. Ils montent dans un canot de course que son oncle venait de faire construire.

Léopoldine e Charles

Au moment de partir, Charles demande à sa jeune épouse si elle souhaite les accompagner. Celle-ci refuse parce qu’elle n’est pas encore habillée. Les trois voyageurs se mettent en route après avoir promis d’être de retour pour le déjeuner.

Quelques instants plus tard, Charles revient prendre deux lourdes pierres en bas de la maison parce que le canot n’a pas assez de lest. Alors qu’il les met dans le bateau, sa jeune femme s’écrie : « Puisque vous voilà revenus, je vais aller avec vous ; attendez-moi cinq minutes. »

On l’attend, elle monte dans le canot. Madame Vacquerie mère recommande de rentrer pour le déjeuner, regarde le canot s’en aller et pense : « Il fait trop calme, ils ne pourront pas aller à la voile, nous déjeunerons trop tard ». Effectivement, pas une feuille ne tremble sur les arbres. De temps en temps un léger souffle vient un peu gonfler la voile et le bateau avance très lentement. Ils arrivent à Caudebec, où ils rencontrent Me Bazire au sujet de la succession du père de Charles, récemment décédé.

À Caudebec, le notaire veut les persuader de ne pas s’en retourner par la rivière parce qu’il ne fait pas de vent et qu’ils feraient la route trop lentement. Il leur propose donc sa voiture pour les reconduire à Villequier. Les voyageurs refusent et reprennent leur canot.

L’oncle Vacquerie tient la barre du gouvernail lorsque tout à coup, entre deux collines, s’élève un tourbillon de vent  qui, sans que rien n’ait pu le faire pressentir, s’abat sur la voile et fait brusquement chavirer le canot. Des paysans, sur la rive opposée, voient Charles reparaître sur l’eau et crier, puis plonger et disparaître, puis monter et crier encore et replonger et disparaître six fois. Ils croient qu’il s’amuse alors qu’il plonge et tâche d’arracher sa femme qui, sous l’eau, se cramponne désespérément au canot renversé. Charles est excellent nageur, mais Léopoldine s’accroche comme le font les noyés, avec l’énergie du désespoir. Les efforts désespérés de Charles restent sans succès. Ainsi, voyant qu’il ne la ramènera pas avec lui dans la vie, ne voulant pas être sauvé, il plonge une dernière fois et reste avec elle dans la mort.

Pendant ce temps, Madame Vacquerie, attend dans le jardin. Elle a pris une longue-vue et regarde dans la direction de Caudebec. Ses yeux se troublent, elle appelle un pilote et lui dit : « Regardez vite, je ne vois plus clair, il semble que le bateau est de côté. » Le pilote regarde et ment : « Non, madame, ce n’est pas leur bateau », mais, ayant vu le canot chavirer, il court en toute hâte avec ses camarades.

Il est trop tard. Lorsque l’on apporte quatre cadavres à Madame Vacquerie, sur ce même escalier d’où ils étaient partis trois heures auparavant, elle ne veut pas les croire morts, mais tous les soins sont inutiles. Léopoldine n’avait que dix-neuf ans et son mari en avait vingt-six, l’oncle Pierre soixante-deux et le cousin Arthur à peine onze. Léopoldine Hugo repose au cimetière de Villequier (Seine-Maritime), dans le même caveau que Charles Vacquerie.

Tombe léopoldine e Charles

Léopoldine dans l’œuvre de son père

La mort prématurée et tragique de sa fille et de son gendre aura une très grande influence sur l’œuvre et la personnalité de Victor Hugo.

L’écrivain, sur le chemin de retour après un voyage en Espagne avec sa maîtresse Juliette Drouet, n’apprendra la mort de sa fille que quatre jours plus tard en lisant un exemplaire du journal Le Siècle, le 9 septembre 1843. Il est alors à Rochefort,  attablé avec Juliette au « Café de l’Europe » (actuel « Café de la Paix »), place Colbert. Arrivé deux jours plus tard à Paris, il ne pourra aller sur la tombe de sa fille qu’en septembre 1846 et consacrera à sa mémoire de nombreux poèmes, notamment Demain, dès l’aube… et À Villequier dans Pauca meae, le quatrième livre des Contemplations, ainsi que : « Elle avait pris ce pli… ». Il rencontra bientôt Léonie d’Aunet qui l’aidera à supporter son deuil.

La mort de Léopoldine impressionnera beaucoup sa jeune sœur Adèle âgée de 13 ans, au point d’ébranler la santé psychique de l’adolescente. Celle-ci mourra cinq décennies plus tard en hôpital psychiatrique.

Demain, dès l’aube

« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »

Victor Hugo  (1802-1885)

Mañá, ao alba

Mañá, ao alba, cando o campo se poña branco,

Marcharei. Xa ves, sei que estás esperando por min.

Irei pola fraga, irei polas montañas.

Non podo estar lonxe de ti por máis tempo.

Camiñarei cos ollos postos nos meus pensamentos.

Sen ver nada fóra, sen escoitar ningún ruído

Só, estraño, encorvado, as mans cruzadas,

Triste, e o día será para min coma a noite.

Non ollarei nin o ouro do serán que cae,

Nin as velas que ao lonxe baixan cara a Harfleur,

E cando chegue, poñerei na túa tumba

Un ramiño de acivro verde e breixo florido.

Le poème chanté par Henri Tachan:

Henri Tachan  (1939). Très souvent ignoré par les médias, Henri Tachan a  démarré sa carrière dans les années 60. Ses chansons à texte sont très souvent critiques vis à vis de la société et de ses travers.

Il nous donne ici une très belle et émouvante  interprétation tout en légèreté du célèbre poème de Victor Hugo.

Le poème chanté par Les Frangines

Interprétation totalement différente que celle des Frangines, deux jeunes filles qui sont plus connues sur youtube que dans les médias traditionnels. Elles ont choisi de nous proposer un video-clip qui nous fait voyager dans la Normandie actuelle. …… véritable pélerinage jusque la tombe de Léopoldine et Charles Vacquerie. …. De belles images et une jolie interprétation auxquelles on ne reste pas insensible.

Ghislaine Gourlaouen Bryselbout

Ghislaine Gourlaouen Bryselbout

Profesora de francés

máis artigos

♥♥♥ síguenos ♥♥♥